· 

Les mendiants

Je ne sais jamais comment réagir quand je suis face à un mendiant. Est-ce que je n'en déguste qu'un seul ou est-ce que j'engouffre tout le paquet? Surtout en hiver, quand il fait froid dehors et que j'ai besoin de réconfort…

 

Bon, maintenant que j'ai votre attention, j'avoue que je ne vais pas écrire au sujet des mendiants mais bien des mendiant.e.s. Et je sens que c'est un sujet sensible, que je vais devoir bien choisir et peser mes mots. Il me trotte en tête depuis longtemps et j'ai à la fois beaucoup de choses à dire et aucune conclusion à tirer (vous êtes prévenu.e.s). 

 

La mendicité, j'y pense très régulièrement, presque tous les jours, en fait. Et ce n'est pas tellement que j'y pense, c'est surtout que je la constate et que je le vis de plus en plus mal. 

Je précise que je ne suis pas une spécialiste du sujet, je ne travaille pas dans le domaine et je ne côtoie pas de public précarisé. Je suis une simple citoyenne qui se torture l'esprit avec ce genre de problématique (comme vous, d'ailleurs, non?). 


A Namur

Serait-ce le signe que je deviens une vieille conne si je dis qu'il y a de plus en plus de mendiant.e.s à Namur?

 

En effet, je suis maintenant confrontée à des situations que je n'avais jamais vécues auparavant. Par exemple : me faire aborder à la table d'un restaurant en terrasse, 3 fois pendant la même soirée, par quelqu'un qui me demande de l'argent. Ou me faire insulter quand je n'en donne pas. Ou que quelqu'un assis sur le trottoir me siffle quand je marche en rue et me montre son gobelet du doigt quand je me retourne, sans rien dire d'autre. Ou qu'on m'empêche de passer dans une rue en se mettant devant moi, gobelet tendu, bouche ouverte. Ou qu'on me dise simplement Bonjour, comment allez-vous? Vous auriez un peu de monnaie pour m'aider? tout simplement, avec un sourire.

 

Cela ne m'arrivait pas, avant. Peut-être parce que j'étais plus jeune et qu'il était évident que je n'avais pas un balle. Peut-être que cela arrivait déjà aux trentenaires de l'époque et que je n'en avais pas conscience.

 

Bref : c'est quelque chose de nouveau pour moi.

 

What a feeeliiinnnggg?

Quand un.e inconnu.e me demande de l'argent, je refuse 99 fois sur 100. Et à chaque fois, je ne suis pas à l'aise. Comme si le fait de refuser me propulsait automatiquement dans la case des bourgeoises connasses ne pensant qu'à leur gueule. Dire non, c'est créer un clivage : eux/elles et moi. Les gens qui demandent, les gens qui refusent. 

 

La fois sur 100 où je donne, je suis mal à l'aise aussi. Ai-je bien fait? A quoi est-ce que je participe en faisant ça? Était-ce vraiment la chose à faire? Est-ce que j'ai donné trop? Ou pas assez? Prise de tête : 1. Kate zen : 0. 

Les "justifications" de refus

Je ne lui donne pas un euro, il/elle ira les boire

Je pense que c'est ce que j'ai entendu le plus souvent et c'est une vaste connerie. Qu'est-ce qui nous dit que c'est pas un sandwich ou un billet de loterie que le mec/la meuf va s'acheter? Ou une peluche panda?

Et puis, est-ce notre problème, finalement, si cette personne va boire avec "notre" argent? Qui n'est plus notre argent, puisque nous le lui avons donné…

Si un.e patron.ne sait que son employé.e est alcoolique ou drogué.e, va-t-on baisser son salaire pour qu'il/elle n'aille pas le boire ou le sniffer? Non, je ne pense pas. Alors quelle excuse avons-nous pour le faire envers d'autres personnes?

 

S'ils/elles sont à la rue et mendient, c'est qu'ils/elles le veulent bien

Heuuuuu… Ou pas. Je veux dire, personne ne VEUT vivre dans la rue et mendier, comme personne ne VEUT quitter son pays pour venir voler le travail des gentil.le.s européen.ne.s.

Il y a plein de raisons différentes qui peuvent amener une personne dans cette situation. Il y a aussi une multitude de profils : des abruti.e.s, des diplômé.e.s, des gens qui avaient une situation avant, d'autres qui ont toujours vécu comme ça, des gens bien, d'autres un peu moins, des personnes pour qui c'est une étape de transition, d'autres qui n'envisagent même pas le concept de lendemain. Du coup on va arrêter avec cette phrase et on claque la g***** de la prochaine personne qui la sort dans un repas entre ami.e.s, un kir royal à la main. 

Et même si certaines personnes "veulent" mendier, pourquoi ne pas leur donner un peu d'argent? Est-ce raisonnable de dire tu as fait tel choix donc je refuse de te donner une partie de mon argent? Si vous pensez que c'est le cas, alors revoyons la distribution de nos impôts. Pourquoi irais-je financer la restauration des églises catholiques alors que je ne suis même pas croyante? Et pourtant…

 

C'est de l'assistanat

Sérieusement? Donner 0,50€? Non. 

Par contre, dire ce que j'ai failli dire plusieurs fois : Ecoutez je ne vous donne pas d'argent mais voilà mon numéro, appelez-moi le jour où vous voulez faire un CV ou une lettre de motivation, je vous aiderai, là ce serait de l'assistanat mêlé de condescendance. Si ça se trouve, Jean-Jacques-à-la-rue serait mieux le faire que moi, et, si ça se trouve, il n'a aucune envie de bosser. Et c'est son droit. Vous n'êtes pas d'accord? Alors arrêtez de donner la dringuelle à votre neveu qui n'en fout pas une pour trouver un job et qui a quand-même pu avoir une PS5 (BAM dans les dents! De rien, c'est gratuit, bisou). 

 

J'ai déjà donné ma monnaie à un.e autre mendiant.e, là-bas plus loin

 Que ce soit vrai ou non (je vous connais, savez-vous… ), cela s'apparente à un Oh pas de bol pour toi mon gars, si tu avais été plus rapide, tu aurais eu des thunes, donc la prochaine fois viens directement toquer au carreau de ma bagnole comme ça tu seras le premier servi. Contre-productif, donc. 

 

Je n'ai pas les moyens

Je crois que c'est la réponse la plus crédible que j'aie déjà pu donner. Maissi je devais l'exprimer plus correctement, cela donnerait J'ai un peu de moyens mais vous aider ne fait pas partie de mes priorités du jour. Dérangeant à dire, hein? C'est pourtant ce qui est, selon moi, le plus proche de la vérité.

Conclusion... ou pas

Ces réflexions m'amènent à penser qu'il n'y a pas de bon argument pour refuser la demande d'un.e mendiant.e. En même temps, j'aimerais en trouver, une car au fond de moi je ne suis pas OK avec le fait de donner. En fait, je me sens prise au piège dès que la question m'est posée, dès que la main se tend vers moi. Quoi qu'il se passe par la suite, ce ne sera pas une situation dans laquelle je serai en paix avec mon geste, mon choix, ma décision. 

 

Pour terminer, je ne suis pas à l'aise non plus avec tout ce que je viens d'écrire. Ma réflexion est véritable et mes sentiments sincères, mais je réalise que même avec toute ma bonne foi et mes bonnes intentions, c'est finalement un questionnement de riche. 

 

Cocktail sophistiqué ou Carapils, je vous souhaite un bon apéro. 

 

Kate_


Écrire commentaire

Commentaires: 0