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Termine ton assiette

Il faut toujours terminer ce que l'on a commencé. C’est vrai, tout le monde le sait, une chose est mieux quand elle est finie, accomplie, terminée, brevetée, certifiée. Non ?

 

Pendant longtemps, j'y ai cru aussi. Oui, "cru", car il s'agit bien d'une croyance. Je peux même l'affubler d'un adjectif tiens! C'est une croyance limitante. Na!

 

C'est donc grâce à cette phrase tant et tant répétée qu'on a pris l'habitude de terminer le rôti orloff de mamie, même si on n'a plus faim et que c'est la 3e fois qu'on en reprend. Rien de dramatique, me direz-vous. Je dois juste dire adieu à ma taille 44 pour dire rebonjour à la 46. Toutefois, cet adage va bien plus loin que ça : il influence nos comportements, notre manière de vivre et notre amour-propre.

 

On a tous et toutes cette connaissance agaçante qu’on apprécie mais qui nous fait nous sentir nul.le : elle rabat ses superbes cheveux brillants en arrière d’un coup de tête sensuel en nous disant : « Ah non mais moi je suis in-ca-pable de lire deux livres en même temps, il faut ab-so-lu-ment que j’en termine un pour en entamer un autre, sinon j’ai l’impression de ne jamais rien finir tu vois. En plus je lis pas très vite, genre un roman par semaine, donc si j’en lis deux en même temps ce sera encore plus la galère. »*

Là où se termine la galère de Jacqueline commence la nôtre. Il est sur ses roues, la pédale s’actionne eeeeeeettt ça y est ! Le petit vélo est en route ! Cela donne à peu près ceci :

 

Mais moi, des bouquins entamés, j’en ai dans tout l’appart. C’est vrai que je ne les termine pas souvent. Qu’est-ce qui cloche chez moi ? C’est pas normal de faire ça. Bon, demain je m’y mets ! Peut-être que si je me lève 1h plus tôt tous les matins, je pourrai les finir. Si je fais le calcul, en n’entamant aucun autre bouquin pendant 6 mois, je devrais y arriver. Mais en plus je lis super lentement. Comment elle fait pour lire un roman par semaine ? Si ça se trouve, j’ai un problème aux yeux. Ou alors, on m’a jamais appris à lire correctement. Je savais bien que madame H. était une institutrice bizarre et avec des vieilles méthodes, mais si ça se trouve j’ai jamais appris à lire comme il faut. Donc je vais devoir ré-apprendre à lire plus rapidement… Il y a peut-être des bouquins là-dessus sur Amazon ?

 

Et voilà comment on se retrouve avec 29,95€ en moins dans la poche, une taille de pantalon supplémentaire et notre amour-propre à terre.

 

« Il faut terminer ce que l’on a commencé ». Un puzzle. Un devoir. L'université. Une dispute. Une relation sexuelle. Cette idée est ancrée au plus profond de nous et nous parait indissociable de la réalité. Pourtant, quel risque prenons-nous à ne pas finir quelque chose, à part contrarier cette croyance ? N’ai-je pas le droit de me barrer de la salle de cinéma au milieu de la séance, si le film ne me plait pas ? Aurais-je moins apprécié cette demi-pomme que si j’en avais mangé la totalité ? D’ailleurs, il n’est même pas nécessaire de se justifier. Je n’ai pas mangé l’autre demi-pomme et vous ne saurez jamais pourquoi! 

 

Peu importe la raison, dire stop à quelque chose, c’est dire non. Et dire non à l’autre, c’est se dire oui à soi.

 

Alors, j’ai peut-être 17 bouquins entamés chez moi, mais chaque mot que j'ai pu en lire a été apprécié à sa juste valeur. Je n'arrive pas à trouver une fin pour cet article et ce n'est pas grave. J'arrête là, je me dis oui. Cœur sur vous. 

* Dédicace aux nanas qui peuvent lire un livre à la fois : je ne vous critique pas, je vous admire ♥

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